samedi 30 août 2008

Témoignage du Docteur Aude Joncquiert Latarjet ,
lu par Pierric d'Aubarede, lors de la messe à la mémoire d'Hugues , le 28 Août à St Genis Laval :

Hugues, sa jeunesse d’esprit, sa générosité, son enthousiasme nous manquent déjà cruellement.

Hugues, rencontré sur les flancs de l’Everest en 2003, accompagné de Mine, faisait partie de ces jolies rencontres, inattendues, conséquence du rassemblement de plusieurs individus tendus vers un seul objectif : gravir le sommet le plus haut du monde.

Neutre et bienveillant, faisant son petit bonhomme de chemin sur L’Ice Fall, sifflotant une chansonnette, alors que d’autres cherchaient désespérément leur souffle dans l’air raréfié, Hugues était une sorte d’extra-terrestre parmi nous. Les hauts glaciers étaient son jardin. Il se promenait avec naturel et facilité dans la « demeure des dieux ».
Indépendant, hermétique à l’ambiance au sein de l’expédition, il nous entourait, particulièrement, nous « les jeunes » de son affection désintéressée.
Il était notre bouffée d’oxygène par son approche saine de l’himalayisme.
Impartial, magnanime et tolérant, il manifestait son empathie envers l’ensemble des membres de l’expédition et écoutait avec attention nos doléances.
Nous le consultions comme on consulte un sage.

Hugues, c’était aussi un détachement et un humour décalé en toute circonstance. Il était un « gentleman de la montagne ». Son élégance d’esprit me rappelait les premiers conquérants des cimes himalayennes, mus par de nobles projets communs aux vrais alpinistes.

Je conserve le souvenir amusé de ses « chaussettes mouillées » à 8000 m qui lui avaient empêché de gravir l’Everest lors de sa première tentative et celui de son alcool de verveine distillée par ses soins qu’il distribuait au camp de base.
Brice, membre de l’expédition, se moquait gentillement de lui en le nommant « vieux sénile », sobriquet qui faisait beaucoup rire Hugues qui le gratifiait à son tour de qualificatifs de la même veine.
Hugues n’avait rien d’un « grand-père » : doué naturellement pour la haute d’altitude, il présentait des aptitudes innées à l’acclimatation à l’hypoxie et au stress induit par les milieux extrêmes.
Hugues était, de mon point de vue, un grand himalayiste.
.
A Chamonix, Mine et Hugues nous recevaient comme des invités de marque en souvenir de l’Everest et nous écoutions avec admiration ses récits d’expédition. Face au Mont-blanc, nous partagions nos rêves d’ascensions et de voyages. Nous nous amusions de sa collection de tableaux en bois sculpté qu’il exposait avec humour pour leur aspect kitsch.
Je me souviens également de sa fantastique bibliothèque de livres de montagne, témoignant d’une passion sincère pour la montagne.

Hugues se lançait à l’assaut de ces mythiques sommets par défi personnel. Sa démarche, sincère, provoquait l’admiration chez nous. Pas une once de médiocrité ou de vanité ne ternissait ses beaux projets. Seule comptait la satisfaction personnelle de se mesurer aux géants himalayens.

Sa réussite à l’Everest l’année suivant notre expédition commune, puis ses essais d’ascension du K2, dont les récits nous laissaient pantelants, nous fascinaient et nous inquiétaient également car nous connaissions la réputation mortelle de ce monstre himalayen.
Hugues connaissait les risques et les contournait par son expérience et ses qualités sportives.

Hugues a poursuivi jusqu’au bout son rêve. En gravissant le mythique K2, il a accompli sa légende personnelle. « Bravo Hugues pour ton sommet ! Tu l’as tellement désiré. Bon sang, comme ça doit être beau, la vue là-haut. Je t’imagine dévalant la pente, rempli d’allégresse à l’idée de fêter ta réussite. »

En apprenant sa disparition, j’ai eu le réflexe, anachronique, d’appeler Hugues sur son portable et de lui demander s’il était vraiment sur les pentes du K2. Je lui ai demandé de rappeler…de me dire que les journaux s’étaient trompés…
Hugues a disparu et ne répondra jamais à mon vain message.

La montagne était sa passion mais son obsession était sa famille et le bonheur des siens.
Il nous parlait souvent de vous et de sa fierté concernant réussite professionnelle et personnelle.

Nous sommes très tristes et vous souhaitons beaucoup de courage. Je penserai à Hugues chaque fois que je joindrai un sommet petit ou grand.
Hugues restera notre « badge » de l’Himalaya pour toujours.

« Adieu Hugues. Repose en paix dans la demeure des dieux himalayens»